Stratégie générale en Sit and Go (SNG)

Publié le 23/09/2011

Contrairement aux tournois multitables et aux parties de cash game dans lesquels les stratégies loose/aggressif (LAG) et tight/aggressif (TAG) comportent chacune des avantages et des inconvénients permettant de dégager un profit sur le long terme, les caractéristiques même des SNG (10 joueurs, profondeur de tapis réduite, 33% des joueurs payés, etc…) en font une des disciplines du poker où la marge de manœuvre stratégique est la plus réduite.

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Introduction au tournois sit and go


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Un des concepts majeurs à retenir est que les jetons que vous perdrez vaudront plus que les jetons que vous gagnerez. En effet, perdre tout votre tapis dans les premiers niveaux d’un sng vous éliminera directement (et vous perdrez l’intégralité de votre buy in) alors que doubler votre tapis au début ne vous garantira pas de gagner le double de votre buy in, loin de là…Une autre manière de voir cela serait de dire qu’en récoltant la totalité des jetons de vos adversaires vous ne gagnerez pas la totalité, mais seulement 50%, du prizepool (pour les structures classiques de sng fullring en tout cas). Les jetons gagnés ne valent donc pas autant que les jetons perdus…Cette idée découle de l’ICM (Indépendant Chip Model) que nous détaillerons plus précisément dans un autre article.
Vous allez donc devoir faire très attention quand vous engagerez des jetons dans un coup, et vous devrez à chaque fois savoir si cela en vaut la peine.


En début de sng, quand les blinds sont à 10/20 et que le tapis moyen est à 1500 jetons, la plupart des joueurs penseront instinctivement que ça vaut le coup de payer les 20, ou de payer une relance à 60, parce que « cela ne représente pas grand-chose par rapport à leur tapis » et auront tendance à rentrer dans moins de coup au fur et à mesure que les blinds augmentent parce qu’à ce moment là « payer la grosse blind ou payer une relance représentera une partie importante de leur tapis »…Voilà une façon de penser qui fera de vous un joueur perdant en sng. Comme d’habitude, il faut prendre le contre-pied de ce raisonnement pour espérer dégager un profit régulier dans cette discipline. La question qu’il vaut mieux se poser est « pourquoi devrais-je rentrer dans ce coup avec une main moyenne alors qu’il n’y a que 60 jetons à gagner au milieu ? ». Il en va de même pour le vol de blinds…Pourquoi voler les blinds au début quand gagner les 30 jetons du milieu ne me servira à rien alors que plus tard, quand les blinds seront à 50/100, les 150 jetons du milieu représenteront sûrement 1/10ème de mon tapis ?

Pour gagner en sng, vous devrez donc jouer très serré dans les premiers niveaux de blinds et élargir votre jeu à mesure que les blinds augmentent.

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Les premiers niveaux d’un sng : éviter les risques et se forger une image


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Jouer très serré veut dire que vous ne devrez relancer que vos monstres quand les blinds seront faibles (AA, KK, QQ, AK) et éviter à tout prix de suivre des relances avec des mains moyennes/fortes comme AQ ou KQs par exemple. Foldez ces mains-là devant une relance, vous ne le regretterez pas..Les seules mains avec lesquelles vous pourrez juste payer la grosse blind (limper) seront les pocket paires, à conditions que vous ayez une grande chance de jouer le coup avec de nombreux adversaires et que vous ayez une faible chance d’être relancé derrière vous. Vous privilégierez donc de limper avec vos pp en position tardive quand plusieurs joueurs auront déjà payé la big blind mais vous jetterez les petites et moyennes paires quand vous serez UTG par exemple. L’idée est de ne jouer quasiment aucun coup avant le 3ème ou le 4ème niveau…

Au passage, pour les joueurs attentifs, vous dégagerez une image de joueur extrêmement tight, qui ne joue aucun coup, et il sera très compliqué pour eux par la suite de suivre vos relances quand vous appliquerez un jeu très agressif. Profitez de cette période où vous ne jouerez quasiment aucun coup pour observer attentivement vos adversaires, observation qui sera capitale pour la suite du sng. Qui joue large ? Qui joue passif ? Qui joue serré ? Qui joue trop de mains ? Qui fold devant une relance après avoir juste limpé ? Qui suit une relance après avoir juste limpé ? Qui fold face à un C-bet après avoir suivi une relance préflop ? Qui semble connaître la stratégie que l’on est en train d’appliquer ? Qui semble jouer sans aucune stratégie prédéfinie ? Qui est là pour s’amuser ? Qui est là pour gagner ? etc..etc..

En jouant de cette manière, vous vous retrouverez soit avec un tapis d’environ 1200/1300 quand les blinds seront à 50/100 (si vous n’avez pas eu de monstre et que vous avez passé votre temps à folder et à perdre les blinds) soit avec 2000/2500 si vous avez touchez quelques bonnes mains ou quelques bons flop. Il ne restera déjà plus que 6 ou 7 joueurs à la table, vous aurez tracé un profil pour chacun d’entre eux, vous n’aurez jamais risqué de tout perdre, vous aurez un tapis encore conséquent par rapport aux blinds et vous aurez une image de serrure absolue. De quoi aborder le milieu du sng sereinement…

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Milieu de sit and go, le jeu pré-bulle : se placer avant l'arrivée de la bulle


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Cette phase du sng est des plus importantes à mes yeux. Beaucoup de joueurs pensent que c’est la bulle qui constitue le moment clé d’un sng, mais personnellement je trouve qu’à la bulle il est déjà trop tard, les stacks de chacun guident la dynamique de la table…Les gros tapis mettront une pression énorme sur les autres et les short stack attendront des monstres pour essayer de doubler. Le plus important est donc de se positionner dès maintenant, avant que la pression de la bulle ne se fasse encore ressentir.

Maintenant qu’il ne reste plus que 6 ou 7 joueurs à la table, que les blinds sont à 50/100 ou 75/150 et que votre image est des plus serrées qui soient, il va être important de jouer de plus en plus de mains. Vous allez devoir commencer à voler les blinds régulièrement (à chaque coup, le pot constitué par la sb et la bb représente déjà une grosse part des tapis de chacun, entre 1/20ème pour les gros stacks et parfois 1/5ème pour les plus shorts), en ciblant bien les joueurs que vous agresserez. Il va falloir utiliser votre image et votre observation de la table pour sur-relancer les joueurs capables de folder des bonnes mains préflop. Vous devrez repérer et exploiter le moindre spot qui se présentera, dans le but de constituer un bon tapis au moment de la bulle.

Si vous êtes le premier à ouvrir le pot, relancez…Il n’est plus vraiment question ici de limper ses pocket paires dans l’espoir de toucher un brelan. Elargissez votre range de mains de départ en incluant maintenant des mains comme AQ, AJs, ATs, KQ, QJs, JTs, relancez beaucoup, punissez les limpers, sur-relancez vos bonnes mains, surtout face aux joueurs susceptibles de folder face à une sur-relance, continuez à peu suivre les relances des autres et demandez-vous si il ne vaut pas mieux relancer plutôt que de suivre, si ce n’est pas le cas, foldez…

En agissant ainsi, vous devriez pouvoir atteindre la bulle en bonne position. Vous serez parfois chip leader, souvent 2ème ou 3ème et très rarement short stack quand il ne restera que 4 joueurs.

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La bulle au sit and go : utiliser the Bubble factor


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A la bulle, votre objectif sera de finir dans les places payées mais n’oubliez pas que ce sera l’objectif de tous les joueurs de la table. On utilise souvent l'expression "Bubble factor" pour évoquer cette pression ambiante et les conséquences qui en découlent. Les joueurs auront tendance à resserrer leur jeu, de peur de terminer 4ème mais ce sera surtout le cas pour deux d’entre eux : les deux joueurs qui ont un tapis moyen (le 2ème et le 3ème en jetons)....En effet, le CL aura tendance à penser qu’il est déjà assuré de terminer ITM et sera disposé à suivre une relance préflop ou à vous sur-relancer en sachant très bien que son tapis constitue une menace importante à vos yeux. Aussi, le short stack de la table aura le sentiment qu’il faudra tenter le tout pour le tout à un moment ou à un autre et sera lui aussi enclin à vous relancer à tapis avec des mains moyennes/fortes comme KJo, 66 ou A9s…Il ne faut pas trop agresser les joueurs trop sûrs d’eux (le CL) ni les joueurs désespérés (le short stack de la table). La cible parfaite au moment de la bulle sera le joueur avec un tapis moyen, qui lui se dira qu’il vaut mieux folder beaucoup de mains et attendre gentiment que le short stack sorte avant lui.

Si vous êtes le CL de la table, écrasez-là…Voler quasiment toutes les blinds des 2 joueurs moyens (en tapis), quelque soit votre main. Utilisez une relance à 2,5 BB plutôt qu’à 3BB, cela sera largement suffisant à ce moment-là et ça vous empêchera de perdre trop les fois où vous serez sur-relancé à tapis et que votre main ne vous permettra pas de suivre. N’oubliez pas qu’il leur faudra un monstre à ce moment du sng pour vous sur-relancer, ou même pour vous suivre, ce qui ne se présentera que très rarement… Relancez le short stack dès que vous le pourrez, en utilisant même parfois des min raises préflop (qui suffisent souvent à lui faire jeter sa main tout en évitant de vous comit si il vous envoie son tapis) mais n’oubliez pas qu’à un moment ou à un autre il vous enverra la boîte. A ce moment de la partie, il est strictement interdit d’offrir un walk au short stack, si les 2 joueurs moyens ont foldé avant vous, vous devez raise ATC (any two cards) à moins qu’une relance ne vous comit si il vous envoie son tapis, pour l’empêcher de conserver sa bb et de gagner votre sb…Si le short stack a trop tendance à sur relancer à tapis et ne semble pas plus concerné que ça à l’idée de sortir 4ème, ralentissez votre agressivité contre lui, il jouera trop large et commettra forcément une erreur contre vous ou contre un des deux joueurs moyens de la table à un moment ou à un autre.

Si vous êtes parmi les deux tapis moyens de la table, agressez presque uniquement les blinds de l’autre tapis moyen. Le CL constitue une menace trop importante pour vous et le short stack de la table risquera de vous envoyer son tapis souvent, ce qui vous fera perdre trop à chaque fois que vous devrez folder. De plus, les fois où vous collerez son tapis et que vous perdrez le coup, vous vous retrouverez alors souvent en position de short stack à la table, ce qui n’est jamais très agréable quand on est à la bulle.

Si vous êtes short stack, vous allez devoir vous sortir de cette situation. Il existe deux théories concurrentes, celle d’attendre des monstres pour doubler, quitte à se laisser mourir par les blinds si les bonnes mains n’arrivent pas et celle qui consiste à agresser les tapis moyens avec presque n’importe quelle main du moment que le CL n’est pas dans la main ou que votre tapis représente encore une menace substantielle à ses yeux. Personnellement, j’aurai plutôt tendance à suivre de près le rythme de la table, à bien me demander si tel ou tel joueur est susceptible de me suivre et j’enverrai mon tapis très souvent dès qu’un spot se présentera et que j’aurai de fortes chances que tout le monde jette. Si par exemple le CL jette UTG, que je suis au bouton avec un tapis de 1200 et que les joueurs aux blinsd ont autour de 2000 ou 3000 de tapis j’enverrai mon tapis avec des mains comme 22+, 67s+, 8Ts+, JTo+, QTo+, car ma fold equity face à eux sera énorme et les blinds au milieu représenteront un gain important par rapport à mon tapis.

Le jeu à la bulle en sng est très délicat et il y aurait beaucoup de choses à dire à ce sujet, mais voilà quelques notions qui vous seront utiles pour gérer cette phase du tournoi.

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Le jeu à 3 : tout pour la gagne


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Ca y est, la bulle a éclaté et vous êtes dans les places payées. Maintenant vous n’avez plus qu’un seul objectif : terminer 1er.
Même si vous êtes le 2ème en jetons et que le short stack n’a plus que 3 ou 4 BB devant lui, vous ne devriez pas refuser un coup à tapis contre le CL si vous pensez être devant lui (ou même en coin flip) sous prétexte que le short stack va bientôt sortir et que vous pourrez vous assurer une 2ème place en foldant. Cela est dû à la structure de paiement des sng. Si le buy in nous sert de référence, notez qu’il existe un écart de 2 fois le buy in entre finir 4ème (-1 buy in) et finir 3ème (+1 buy in), c’est ce qui donne autant d’importance à la bulle. Il en va de même quand il ne reste plus que trois joueurs. La différence entre finir 3ème (+1 buy in) et finir 2ème (+ 2 buy ins) n’est que d’un seul misérable petit buy in, alors que la différence entre finr 2ème (+ 2 buy ins) et finir 1er (+ 4 buy ins) est de 2 buy ins, comme à la bulle…Il est donc capital dans un premier temps de terminer dans les places payées mais ensuite il faudra tout faire pour terminer 1er quitte à prendre de gros risques pour cela. Battez-vous, relancez presque toutes vos mains, prenez des risques importants pour vous donner une chance de remporter le sng.

Short stack, vous devrez envoyer votre tapis avec pratiquement toutes les mains dès que l’occasion se présentera, a fortiori sur la bb du joueur avec le 2ème tapis qui fera tout pour soritr après vous et s’assurer sa 2ème place.

Si vous êtes le 2ème tapis de la table, prenez beaucoup de risques, ne resserrez pas votre jeu pour attendre que le short stack sorte avant vous. N’oubliez pas que finir 3ème ou 2ème revient presque au même et que votre tapis représente quand même généralement une menace pour le CL de la table. Relancez-le, envoyez-lui votre tapis, il réfléchira à deux fois avant de vous payer et de prendre le risque de compromettre la place en HU qui semble lui être déjà promise. Les quelques fois où vous sortirez 3ème alors que vous étiez 2ème en jetons (et donc où vous perdrez l’éventuel buy in supplémentaire qu’il y a entre la 3ème et la 2ème place) seront largement compensées par les fois où vous terminerez 1er en prenant des risques (encaissant les 4 buy ins supplémentaires promis au vainqueur).

Si vous êtes CL, c’est finalement vous qui avez le plus à perdre. Cela ne veut pas dire que vous ne devez plus jouer et ne plus utiliser votre tapis pour mettre la pression sur les autres mais cela veut dire que vous devrez mieux évaluer les fois où vous jouerez un gros coup que les deux autres joueurs de la table. Continuez à cibler le joueur ayant le 2ème tapis de la table car avec un peu de chance, il fera tout pour sortir après le short stack et ce sera à vous d’exploiter cette erreur.

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Le HU final au sit and go : un duel qui fait la différence


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Le HU final dépendra énormément des tapis des deux finalistes et de la taille des blinds à ce moment-là. Vous donnez quelques conseils ici ne servirait pas à grand-chose car en fin de sng, la lecture de l’autre et les mathématiques reprennent le pas sur tout le reste. Les profondeurs des tapis sont souvent faibles et si l’un des deux joueurs possède 10 ou moins de 10 bb dans son tapis, toutes vos décisions devront être prises grâce aux mathématiques. Vous devrez appliquer le SAGE système que nous développerons dans un article spécialement dédié à cela.

Vous devrez quoi qu’il en soit rester extrêmement concentré pour atteindre votre but : terminer 1er. Ne gâcher jamais un HU de fin de sng sous prétexte que vous êtes assuré de terminer 2ème, la différence sur le long terme entre un joueur ayant un ROI de 10% et un autre ayant un ROI de 20% en sng vient de leur différence de nombre de 1ère et 2ème place qu’ils auront fait. Si vous voulez dégager un profit intéressant en sng, vous devrez gagner vos HU et ne jamais en négliger l’importance.


Beaucoup de choses restent à dire sur les sng, et nous essayerons d’en aborder certaines plus précisément dans d’autres articles. Mais cette stratégie générale et ces quelques concepts fondamentaux devraient vous permettre d’être un joueur positif sur le long terme en sng.

Par 24Cooper24